Page 27 - 2012 Rapport Annuel - L

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PRISONNIERS DE LEUR
PROPRE APPAREIL
En théorie, la cryptographie quantique offre la sécurité
ultime. Selon les règles de la mécanique quantique,
toute perturbation d’un système, même une simple
observation, modifie ce système. Un système
quantique se prête donc merveilleusement à la
cryptographie, puisque toute tentative d’intrusion
modifierait le système et serait donc détectée.
L’idée d’indépendance vis-à-vis des appareils en
cryptographie quantique est une extension de
cette promesse : c’est une preuve mathématique
qui permet aux utilisateurs d’avoir confiance aux
messages envoyés par des appareils quantiques
sans connaître quoi que ce soit à propos des
appareils quantiques utilisés. On pourrait même,
en principe, produire une clé sûre en utilisant un
appareil construit par un intrus, et utiliser plus tard
cette clé pour des communications sécurisées.
Cette année,
Roger Colbeck, postdoctorant à
l’Institut Périmètre, Adrian Kent, professeur
associé à l’Institut Périmètre
, et leurs
collaborateurs ont écorché les promesses
de la cryptographie quantique indépendante
des appareils. Ils ont montré que si l’appareil
servant à produire des clés sûres est utilisé
plus d’une fois, un intrus pourrait le concevoir
de manière à faire sortir clandestinement une
information cruciale sur d’anciennes clés en la
faisant passer pour une sortie légitime.
Les travaux antérieurs sur la cryptographie
quantique indépendante des appareils –
technique qui n’existe encore que sur papier
– n’ont porté que sur des cas où un appareil
de cryptographie n’est utilisé qu’une seule
fois. Pour des raisons de coût, une telle
situation a peu de chance d’être pratique.
Les auteurs ont conclu en mettant de l’avant
de nouvelles idées en vue de résoudre le
problème de la réutilisation. Il y a donc
de l’espoir en matière de cryptographie
quantique indépendante des appareils,
mais presque certainement pas au point
qui avait d’abord été envisagé.
Références :
Tester la physique théorique dans l’espace :
Rideout, D.,
et al
.
Fundamental quantum optics experiments conceivable
with satellites – reaching relativistic distances and velocities
,
arXiv:1206.4949.
Prisonniers de leur propre appareil :
Barrett, J., R. Colbeck
et A. Kent. « Prisoners of their own device: Trojan attacks
on device- independent quantum cryptography »,
Physical
Review Letters
, vol. 110, nº 1, 2013, article 010503,
arXiv:1201.4407.
Profil : Raymond Laflamme
J’ai prouvé que Stephen Hawking avait tort.
Dès que je prononce cette simple phrase dans une conférence, l’auditoire
se dresse soudainement, comme si une petite décharge électrique avait été
envoyée dans les sièges. J’arrive toujours à attirer l’attention de cette manière.
Quand je dis « J’ai prouvé que Stephen Hawking avait tort », ce n’est pas pour
me vanter (même si c’est sûrement une bonne référence dans mon curriculum
vitæ). Je le dis parce que je sais que cela va susciter la curiosité.
La curiosité est le moteur de tout ce que je fais – que ce soit de me salir les mains
dans mon véhicule Volkswagen 1979 ou de manipuler les particules subatomiques
du monde quantique –, et j’adore susciter la curiosité d’autrui. Quand je dis cette
phrase à propos de Stephen Hawking, je peux presque voir une onde de curiosité
traverser l’auditoire. « Comment est-ce possible? », semblent-ils tous se demander,
« quelqu’un peut-il prouver que le physicien le plus célèbre au monde a tort? ».
La réponse simple est la curiosité.
Bien sûr, il y a aussi une réponse compliquée. Je dois expliquer comment, alors que
j’étais un étudiant de Stephen Hawking à l’Université de Cambridge, j’ai démontré
mathématiquement que, contrairement à ce que Stephen Hawking avait soutenu, le
temps ne revient pas en arrière dans un univers en contraction. Mais je suis venu à
la physique théorique – après un faux départ en actuariat – purement à cause de ma
curiosité. J’ai suivi un cours génial sur la relativité restreinte d’Einstein et je me suis dit :
« C’est fantastique. Voilà ce que je veux faire dans la vie. »
Aujourd’hui, je travaille dans le domaine de l’information quantique et du calcul
quantique. Nous mettons à profit les propriétés étranges du monde quantique pour
construire des appareils d’une puissance inédite, qui traitent l’information selon les
règles de la mécanique quantique. Même si j’ai certaines idées à propos de ce qu’un tel
ordinateur pourrait être capable de faire, je suis certain que ces idées ne font qu’effleurer
la surface de ses possibilités – c’est comme de demander à des gens qui viennent de
découvrir le feu à quelle distance leurs fusées pourront aller. Mais pour sûr, je suis curieux.
– Raymond Laflamme
Raymond Laflamme, qui travaillait au Laboratoire national de Los Alamos, s’est joint à l’Institut
Périmètre dès sa fondation. Sa curiosité l’a également poussé vers le monde expérimental, et il a
fondé l’Institut d’informatique quantique, qu’il dirige depuis 2002 – tout en conservant son poste de
professeur associé à l’Institut Périmètre. En 2010, il a fondé avec des collègues l’entreprise Universal
Quantum Devices, qui vise à commercialiser certaines retombées des technologies quantiques.
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